• Pascal Ferriot

    Je viens de passer 4 jours à gérer le projet le plus stressant de ma vie dont je suis pourtant l’initiateur !!
    J’ai retiré mon père des institutions médicales pour le ramener à son domicile. Pourquoi j’ai fait ça? Parce que je me suis rendu compte au fil des 2 mois qu’il vient de passer dans 2 institutions médicales, que le « système » n’est pas porteur de vie. J’ai senti clairement en septembre que mon père était en train de choisir de quitter cette planète car il n’avait plus gout à y être. 
    Mais lancer un tel projet est une grosse responsabilité quand il s’agit d’une personne qui ne tient plus debout toute seule, qui tombe souvent, qui est incontinente, qui n’a plus envie de manger et qui a le tête qui part parfois en vacances. Beaucoup de doutes et d’inquiétudes en particulier quand une fois rentré chez lui, il m’a demandé où il était. 
    J’ai embauché 2 infirmiers qui connaissaient déjà mon père + 2 auxiliaires de vie + un kiné. J’ai choisi ces 5 personnes car elles ont l’habitude de travailler ensemble. Je voulais que ce soit une équipe et pas à assemblage de personnes qui gravitent autour de cet être humain. 
    Hier matin je me suis retrouvé de façon inattendue à devoir torcher mon propre père que j’avais « posé » sur les toilettes à sa demande et qui ne pouvait clairement faire la chose avec ses propres bras tremblants. Oui j’étais là en train de torcher mon père avant d’avoir torché mon propre enfant et c’était simple en fait car c’était LA chose à faire en cet instant pour l'aider et je sentais bien que cette « dépendance » lui pesait; il s’agit donc de rendre cela le plus court, simple et fluide possible. 
    Paradoxe qui m’a hanté toute la journée; j’étais en train de tout mettre en place pour prolonger la vie d’une personnes qui ne peut « piloter » ses sphincters, qui ne peut plus se déplacer toute seule, qu’on doit nourrir à la cuillère, qui a le corps usé par le temps, les émotions, la gravitation terrestre, qui à chaque seconde ressent que son corps s’arrête peu à peu, que ses yeux ne marchent plus correctement, qu’il entend avec difficulté. 
    Le soir j’ai réalisé qu’en fait en le ramenant chez lui, je voulait faciliter le fait qu’il retrouve l’envie de vivre, des « raisons » de vivre et qu’un corps dans cet état ça n’invite pas à cela... 
    Et pourtant, en lui faisant écouter « l’automne » de Vivaldi, assis à côté de lui, en lui tenant la main, quelque chose s’est passé, quelque petites minutes mais pleines de ce quelque chose qui fait qu’on se regarde mutuellement avec ce sourire si profond et chaud qu’il embrase la vie.
    Je prend conscience qu’en le bordant dans son lit ce soir, en le torchant, en le tenant dans mes bras pour le faire marcher, au delà du geste, c’est de l’amour que je lui offre et qu’il m’offre en acceptant que je le fasse. Finalement peut être que cette « raison » de vivre est tout simplement l’amour que l’on partage quand je l’aide à « fonctionner » dans son corps? Et qu’en fait son corps délabré, sa « dépendance » nous donne l’occasion de se dire cet essentiel? Peut être que finalement la seule chose qui donne envie de vivre c’est d’aimer et de recevoir de l’amour ?

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  • Commentaires

    3
    Dimanche 19 Octobre 2014 à 10:23

    Quand on arrive sur ton blog, il y a la vidéo de Brassens qui  démarre automatiquement... ce qui fait que l'on est obligé de l'arrêter pour regarder une autre vidéo c'est pénible...

    Que ta journée soit douce gros bisous

    2
    Samedi 18 Octobre 2014 à 22:12

    Oui, c'est un texte très fort, et c'est vrai que tant que l'on peut s'occuper de ses parents il faut le faire... ce sont des gestes d'amour et je me souviens que la dernière fois que j'ai pu donner une douche à ma mère (avec l'aide de ma fille car j'ai une maladie qui m'empêche de faire beaucoup de choses...) j'avais la sensation de laver mon bébé... les vieillards sont comme des enfants. Malheureusement les maisons de retraite sont des mouroirs parce que seuls les gestes techniques sont effectués, sans tendresse et le personnel est tournant justement pour qu'il n'y ait pas d'attachement.

    Il y a aussi beaucoup d'inégalités dans ce domaine... ce monsieur a pu embaucher 5 personnes au service de son père, mais la plupart des gens n'ont pas des moyens pareils!

    C'est vrai qu'il faut profiter des petits moments de lucidité pour faire passer de la tendresse. L'idéal est le maintien à domicile le plus longtemps possible. C'est un sujet qui n'intéresse pas les gouvernements puisque ces gens là ne votent plus. Il y a beaucoup de choses sur le papier... mais dans la réalité c'est plus triste...

    je te souhaite une bonne soirée... bisous doux

    1
    Samedi 18 Octobre 2014 à 14:31

    Personne ne peut rester insensible à ce texte(dans tous les cas pas moi)

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